D.2 Comment échapper aux formes canoniques de l’exposition ? partie 2


D.2 How to escape exhibition’s canonical forms? Part 2

Thu Oct 27 / 15:30 – 17:00 / Debates Room, rm 2034, Hart House

présidentes / chairs /

  • Marie Fraser, Université du Québec à Montréal
  • Lisa Bouraly, Université du Québec à Montréal

En 2006, Paula Marincola questionne un groupe de commissaires sur What Makes A Great Exhibition ? et interroge la capacité et les limites des pratiques curatoriales à proposer des formes narratives capables de se réinventer. En 2012, Terry Smith conclut son ouvrage Thinking Contemporary Curating sur l’importance structurelle de développer des approches réflexives et critiques qui engagent activement le curating dans la recherche. Or, l’écriture de l’histoire des expositions pose le problème historiographique de l’exemplarité, de la reprise muséographique et de la canonisation des expositions (Altshuler 2008 ; Glicenstein 2015). Pourtant, au risque de renforcer ou de créer d’autres modèles, des propositions tentent d’élargir ou de sortir du canon notamment en approchant l’exposition avec une démarche transsectorielle, transdisciplinaire (Hansen et all. 2019 ; Bismarck et all 2019), engagée ou activiste (Fraser et Jim 2018 ; Reilly 2018). Ce panel invite chercheur.e.s, professionnel.le.s des musées, commissaires et artistes à réfléchir à la question suivante : comment l’exposition des œuvres d’art, des objets ou des collections peut-elle échapper aux formes canoniques ?


In What Makes a Great Exhibition? (2006), Paula Marincola invited a variety of curators to deliberate on the capacity and limits of curatorial practices to reinvent themselves and to create alternative narrative forms. In Thinking Contemporary Curating (2012), Terry Smith addressed the structural importance of developing reflective and critical approaches to curating in research. Existing research on exhibitions’ history has raised issues surrounding exemplarity, display, and canonization (Enwezor and O’Neill 2007; Altshuler 2008; Glicenstein 2015). In light of these concerns, curatorial projects today attempt to either broaden and/or escape the canon at the risk of reinforcing it or create other models. These practices approach the exhibition through trans-sectoral, transdisciplinary (Hansen and al. 2019; Bismarck and al. 2019), critical, and/or activist methodologies (Fraser and Jim 2018; Reilly 2018). This panel invites researchers, museum professionals, curators and artists to reflect on the following question: how can the exhibition of artworks, objects, or collections bypass canonical forms?

Altshuler, Bruce. Exhibitions That Made Art History. London : Phaidon, 2008.
Bismarck, Beatrice von, et Benjamin Meyer-Krahmer (éd.). Curatorial Things, Berlin : Sternberg Press, 2019.
Fraser, Marie, et Alice Ming Wai Jim. « Introduction: What Is Critical Curating? / Introduction : Qu’est-Ce Que Le Commissariat Engagé ? » RACAR : Revue d’art Canadienne / Canadian Art Review 43, no 2 (2018): 5 10.
Glicenstein, Jérôme. « En quête d’un canon des expositions / In Search of a Canon of Exhibitions ». esse arts + opinions, no 84 (2015): 14 21.
Hansen, Malene Vest, Anne Folke Henningsen, et Anne Gregersen. Curatorial Challenges: Interdisciplinary Perspectives on Contemporary Curating. New York : Routledge, 2019.
Marincola, Paula (éd.). What Makes a Great Exhibition? Philadelphia : University of the Arts, Philadelphia Exhibitions Initiative, US, 2006.
Reilly, Maura. Curatorial Activism: Towards an Ethics of Curating. New York : Thames & Hudson, 2018.
Smith, Terry. Thinking Contemporary Curating. Perspectives in Series. New York : Independent Curators International ICI, 2012.

mots clés : curatorial, histoire des expositions, posture critique, décanonisation, collection muséale

D.2.1 Une exposition sans œuvres d’art

  • Véronique Hudon, Université du Québec à Montréal

En partant de l’idée que l’art ne se réduit pas à l’œuvre, mais qu’il englobe un ensemble de pratiques (de sa production à sa réception). Ma communication propose d’interroger le rôle central attribué à la notion d’œuvre et d’objet d’art au sein des expositions. Il s’agira d’éclairer différentes stratégies curatoriales relationnelles, créatives et expérimentales qui ont le potentiel d’interroger et de renouveler le dispositif d’exposition traditionnel. Ainsi, il s’agit d’envisager l’exposition comme un site de création qui met en lumière la dimension performative inhérente à toutes formes d’art. Les œuvres se présentent sous la forme de pratiques artistiques, c’est-à-dire par le biais de formes relationnelles et incarnées. Ces approches curatoriales reformulent nos relations aux formes matérielles et aux corps en montrant qu’iels sont lié-e-s ensemble. La théoricienne Amelia Jones parle d’agentivité entre formes corporelles et matérielles : « These works call for new ways of engaging that do not dwell on final objects or celebrate ‘authentic’ presence but understand the relational tensions and seductions between human and nonhuman. » (2015, 18). Je convoquerai dans le cadre de mes analyses, des expositions qui présentent des formes d’agentivités avec les formes vivantes et non-vivantes qui mènent à repenser l’écologie de l’exposition, notamment l’exposition Natures mortes (2021) de la commissaire Anne Imhof et La Monnaie vivante (créée en 2006), du commissaire Pierre Bal-Blanc, qui mettent en commun le travail de plusieurs artistes autour du corps afin de confronter explicitement le vivant et l’objet, l’inanimé et le corps. Mes analyses s’intéresseront à ce recadrage du corps vivant dans un espace où habituellement la visualité prédomine. Je montrerai comment dans nos conceptions de l’art, le corps a été trop longtemps intériorisé comme étant immatériel, alors, qu’il est d’une matérialité sensible évidente.

mots clés : pratiques artistique, vivant, performatif, expérience, exposition

Véronique Hudon est commissaire indépendante et autrice. Elle est complète un doctorat en études et pratiques des arts à l’UQAM. Ses recherches portent sur les pratiques curatoriales et la performance. Elle assure le commissariat en arts vivants lors de l’exposition Refus contraire (Galerie de l’UQAM, 2018). Elle est codirectrice du livre Curating Live Arts (Berghahn Books). Elle initie et collabore à des projets curatoriaux et artistiques.

D.2.2 Le commissariat participatif : quand les publics choisissent les oeuvres

Cécile Camart, l’Université Sorbonne Nouvelle

Cette proposition porte essentiellement sur les formes de commissariat participatif qui se sont développées ces récentes années en France, avec une actualité particulièrement intense depuis 3 ans (en art contemporain et beaux-arts), autour d'un corpus qui comprend (entre autres) les expositions « Sors de ta réserve #1 » (juin 2022), au Fonds régional d'art contemporain (FRAC) d'Ile-de-France, sur le nouveau site de Romainville dédié au déploiement de réserves visitables, « A vous de choisir », exposition participative organisée par le Frac Occitanie – Musée des Abattoirs de Toulouse et inaugurée en février 2022, « Réserve, ouvre-toi », manifestation lancée en 2020 au musée de Pont-Aven (Bretagne), proposant aux citoyens de sélectionner 35 œuvres au sein des collections, « La Chambre des Visiteurs », organisée par la Réunion des musées métropolitains de Rouen Normandie, qui expérimente depuis 2018 un dispositif incitant à voter pour une sélection d’œuvres destinées à rejoindre une exposition dont le thème est donné à l'avance.

Il ne s’agit pas d’expositions qui reposent sur une collecte d’objets ou d’artéfacts auprès des habitants d’un territoire (comme dans les écomusées, dans les musées communautaires) ; il ne s’agit pas d’expositions dont la scénographie, l’accrochage, la mise en récit, l'expographie sont confiés aux citoyen·ne·s (comme cela peut être le cas dans certaines Micro-Folies, musées numériques inscrits dans une politique volontariste d’éducation artistique et culturelle) ; il s’agit ici de transférer aux citoyen·ne·s, de manière totale ou sur un échantillon restreint désigné préalablement par l’institution, l’opération consistant à sélectionner les œuvres destinées à rejoindre un accrochage définitif, la seule volonté de « voir » ou de « revoir » une œuvre, de la sortir de sa réserve (au sens littéral et figuré) prévalant sur toute autre motivation, l’objectif annoncé étant de saisir l’esprit du temps, le désir d’œuvres et d’objets des citoyens.

mots clés : collection, réserve, commissariat, musée partipatif, accrochage

Cécile Camart est maîtresse de conférences en histoire de l’art contemporain et muséologie à l’université Sorbonne Nouvelle, où elle est directrice adjointe du Laboratoire international de recherches en arts (LIRA – EA 7343) et responsable du Master Médiation du patrimoine et de l’exposition. Ses publications en muséologie portent sur l’espace, l’histoire et les théories de l’exposition, en particulier l’histoire des reprises et reconstitutions d’expositions (Culture & Musées, Icofom Studies Series) et dans le champ de l’art contemporain, sur les musées fictifs, les fictions d’artistes et les pratiques de la critique institutionnelle (Artpress, Espace Art Actuel, Esse, Les Cahiers du Musée national d’art moderne, Ligeia, Proteus). Elle a co-organisé en 2020 le colloque « Espaces, scènes et hors-champs de l’exposition : translations, transpositions, infiltrations », dont les actes sont à paraître dans un ouvrage collectif (dir. avec Térésa Faucon et Cécile Schenck) aux éditions Mimésis.

D.2.3 Le cas du J.S. McLean Centre à l’Art Gallery of Ontario : une sortie du canon pour l’art contemporain autochtone ?

Daphnée Yiannaki, Université du Québec à Montréal

Cette communication se propose d’examiner un accrochage de collections, celui du J.S. McLean Centre of Canadian and Indigenous Art à l’Art Gallery of Ontario (AGO). Inauguré en juillet 2018 et avec pour objectif de faire dialoguer l’art canadien et autochtone, l’espace est conçu pour évoluer et tend à adopter une approche activiste (Reilly 2018) et réflexive. Cet accrochage s’inscrit dans un processus d’institutionnalisation de l’art contemporain autochtone au sein du musée, un mouvement global qui commence réellement dans les musées d’art à la fin des années 1990 et qui s’est intensifié au cours de la dernière décennie. Alors que ces œuvres entrent dans les collections, leur intégration au sein des expositions suivent différents modèles qui semblent révéler un canon de l’art autochtone et de son exposition. Ceci se produisant notamment à travers l’acquisition d’œuvres de certains artistes devenus incontournables et l’exposition d’œuvres contemporaines aux côtés d’œuvres plus anciennes.

L’institutionnalisation de l’art d’une communauté artistique auparavant marginalisée mène-t-il forcément à un élargissement du canon ou à la création d’un nouveau récit ? L’AGO semble proposer une réponse plus complexe avec le McLean Centre et signale une direction plus radicale, soutenant un principe de souveraineté autochtone. Ainsi, cette présentation des collections reflète aussi les enjeux d’autochtonisation et de décolonisation des récits et des pratiques. Les multiples stratégies d’exposition permettent-elles de sortir du modèle classique de présentation de l’art contemporain autochtone ? De quelles manières ? Ces questions demandent aussi de définir le canon de l’exposition de l’art autochtone, si récente soit son inclusion dans les musées, ce que nous tenterons d’esquisser brièvement, afin de mettre en relief les pistes nouvelles que propose l’AGO.

mots clés : art autochtone, contemporain, collection, exposition, autochtonisation

Daphnée Yiannaki est doctorante en muséologie, médiation, patrimoine à l’UQAM. Titulaire d’un master d’histoire de l’art (Université Paris Nanterre, 2017) et d’une maîtrise en muséologie (UQAM, 2019), ses recherches ont porté les collections d’art autochtone contemporain du Musée des beaux-arts de Montréal et du Musée des beaux-arts du Canada. Son projet de thèse porte sur le collectionnement et l’exposition permanente de l’art contemporain autochtone dans les musées d’art au Canada. Elle s’intéresse aux politiques d’acquisition et aux stratégies d’institutionnalisation de cet art, ainsi qu’à sa contribution aux processus de décolonisation des musées. Elle est membre étudiante de l’Institut du patrimoine de l’UQAM et du CIÉRA – Montréal, ainsi que membre du Comité de rédaction des Cahiers du CIÉRA. Elle est assistante de recherche pour le groupe de recherche CIÉCO et récipiendaire d’une bourse doctorale du Fonds de recherche du Québec – Société et culture.

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